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0324 - Société Bancaire Privée S.A.

Recommandation Société Bancaire Privée S.A. du 8 août 2007

Requête de la Banca Profilo S.p.A., Milan, Italie, visant à la constatation de la licéité d’une clause d’opting out dans les statuts de la Société Bancaire Privée S.A., Genève

A.
Société Bancaire Privée S.A. ( « SBP » ou «la Société» ) est une société anonyme dont le siège se trouve à Genève. Son capital-actions est de CHF 14'430'600, divisé en 4'150’000 actions nominatives d’une valeur nominale de CHF 1 chacune, privilégiées quant au droit de vote, et de 10'028’060 actions au porteur d’une valeur nominale de CHF 1 chacune (après la division de la valeur nominale enregistrée en date du 23 juillet 2007 auprès du registre du commerce). Les actions nominatives représentent 80.15% des droits de vote de la Société et 28.76% de son capital-actions alors que les actions au porteur représentent respectivement 19.85% et 71.24% des droits de vote et du capital-actions. Les actions au porteur sont cotées à la SWX Swiss Exchange. SBP est une banque autorisée par la Commission fédérale des banques ( ci-après « CFB »).

B.
Les statuts de SBP prévoient la clause d’opting out suivante:

« Article 38 :

En application de l’article 53 de la Loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières, toute personne qui acquiert des titres de la banque n’est pas tenue de présenter une offre publique d’acquisition conformément aux articles 32 et 52 de la loi précitée. »

Cette clause a été adoptée lors de l’assemblée générale extraordinaire du 19 août 1999.

C.
Selon le communiqué de presse du 19 mars 2007 de la Société: « La Commission fédérale des banques a notifié à la Société Bancaire Privée une décision faisant état, notamment, de ce qu’elle estime être d’importantes lacunes dans l’organisation de la Banque et de difficultés liées à la garantie de l’activité irréprochable. La Commission fédérale des banques a de ce fait ordonné un certain nombre de mesures, dont la révocation au 1er octobre 2007 de la licence de banque et de négociant en valeurs mobilières, avec les conséquences légales qui s’y attachent, si la Banque n’est pas reprise d’ici là par un acquéreur qui, bien entendu, devra être agréé par elle. »

D.
Banca Profilo S.p.A ( « Banca Profilo » ou « la requérante » ), est une société anonyme de droit italien dont le siège est à Milan. Banca Profilo entend acquérir 60.25% des actions nominatives et au porteur de la Société, donnant des droits de vote à concurrence de 54.20%, ainsi que 60'725 warrants, chacun d’entre eux donnant droit à 10 actions au porteur (ndlr: avant la division de la valeur nominale des actions au porteur). L’exercice potentiel de tous les warrants signifie la souscription de 607’250 actions au porteur supplémentaires, qui, tenant compte de la dilution des droits de vote suite à l’augmentation de capital, accorderait des droits de vote à la Banca Profilo, à concurrence de 59,01% (avant la division). Après la division par 10 de la valeur nominale des actions au porteur, Banca Profilo disposerait au plus de 72.02% des droits de vote.

E.
Par courrier du 5 avril 2007, Banca Profilo a requis auprès de la Commission des OPA, en substance et en résumé, la confirmation que Banca Profilo, en vertu de la clause d’opting out, n’aurait pas l’obligation de présenter une offre publique d’acquisition si elle acquiert une participation dans SBP qui dépasse le seuil de déclenchement d’une offre d’acquisition.

F.
Par courrier du 26 avril 2007 adressé à Banca Profilo (ci-après «avis présidentiel»), le Président de la Commission des OPA s’est prononcé sur la requête du 5 avril (voir supra let. E) et à conclu en substance que l’on pouvait considérer que la clause d’opting out n’avait pas été introduite dans l’optique de la transaction envisagée par Banca Profilo et que partant Banca Profilo n’aurait pas l’obligation de présenter une offre publique en cas de rachat de 54.20% du capital-actions de la SBP. L’avis présidentiel précisait en outre que, conformément à l’article 57 al. 2 OOPA, les réponses du Président de la Commission des OPA ne lient pas la Commission.

G.
En date du 25 mai 2007, Banca Profilo a signé un contrat d’achat avec les actionnaires majoritaires portant sur l’acquisition de 60.25% du capital, représentant 54.20% des droits de vote. L’exécution du contrat est prévue pour le 31 octobre 2007, dès que les autorisations auront été obtenues auprès des autorités de surveillances respectives (voir rapport annuel 2006 de SBP, p.5 et communiqué de presse du 25 mai 2007 de Banca Profilo).

H.
Par courrier daté du 21 juin 2007, Banca Profilo a justifié d’un intérêt légitime et requis une recommandation de la Commission des OPA sur la validité de la clause d’opting out.

I.
Par un courrier daté du 13 juillet 2007, transmis à la Commission des OPA par l’intermédiaire de mandataire de la réquérante, le Conseil d’administration de SBP a rendu attentif la Commission à l’article 38 de statuts de la société selon lequel: «toute personne qui acquiert des titres de la banque n’est pas tenue de présenter une offre publique d’acquisition conformément aux articles 32 et 52 de la loi précitée. » (voir supra let. B).

J.
Une délégation formée de Monsieur Hans Rudolf Widmer (Président), Madame Susan Emmenegger et Monsieur Thomas Rufer a été constituée pour se prononcer sur la requête.

 

Considérants:

1. Introduction d’une clause d’opting out

1.1 Aux termes de l’art. 22 al. 2 LBVM : « Avant que leurs titres ne soient cotés en bourse, …, les sociétés peuvent prévoir dans leurs statuts qu’un offrant n’est pas tenu de présenter une offre publique d’acquisition conformément aux articles 32 et 52 ». Selon l’art. 22 al. 3 LBVM: « Une société peut prévoir en tout temps dans ses statuts une disposition correspondant au 2e alinéa, pour autant qu'il n'en résulte pas pour les actionnaires un préjudice au sens de l'article 706 du code des obligations ». L’art. 53 LBVM précise cependant que: « Les sociétés cotées peuvent, dans l'intervalle de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, inscrire dans leurs statuts une disposition correspondant à l'article 22, 2e alinéa. L'article 22, 3e alinéa, ne s'applique pas en l'occurrence ». Les dispositions régissant le droit des OPA sont entrées en vigueur le 1er janvier 1998 (art. 1 de l’Ordonnance du 13 août 1997, RO 1997 2044), ce qui a pour conséquence que la Commission des OPA ne peut pas vérifier si une clause adoptée avant le 1er janvier 2000 entraîne un préjudice pour les actionnaires au sens de l’art. 706 CO (voir ISABELLE CHABLOZ, Les clauses d’opting out sélectives in: Schweizerisches Übernahmerecht in der Praxis, Schweizerisches Übernahmekommission (éd.), Zurich/Bâle/Genève 2005, p. 115 ss).

Il ressort de l’extrait du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire de la SBP (dont la raison sociale était à l’époque Société Financière Privée) que ladite clause d’opting out a été adoptée par l’assemblée générale du 19 août 1999 soit dans la période transitoire de deux ans suivant l'entrée en vigueur de la loi sur les bourses. Par conséquent, l’art. 22 al. 3 LBVM ne s’applique pas et la Commission des OPA ne peut pas examiner la licéité de ladite clause à l’aune de l’art. 706 CO.

Selon l’art. 32 al. 1 OBVM-CFB la Commission des OPA est cependant habilitée à se prononcer sur l’obligation de présenter une offre. Saisie d’une requête en constatation, la Commission de OPA garde ainsi la faculté de se prononcer sur la licéité de la clause d’opting out en précisant toutefois, que comme dans le cas d’espèce, lorsque ladite clause a été introduite durant la période transitoire de deux ans et au vu l’art. 53 LBVM, la Commission a un pouvoir d’examen restreint qu’elle n’exerce qu’avec retenue.

Dans le cas d’espèce, la question de l’étendue exacte du pouvoir d’examen de la Commission peut cependant rester ouverte. En effet, même si les conditions d’application de l’art. 22 al. 3 LBVM étaient réunies, il apparait, au vu de ce qui suit que la clause d’opting out de la Société satisfait également aux conditions de l’art. 22 al. 3 LBVM<.

1.2 L’introduction d’une clause d’opting out dans les statuts d’une société doit résulter d’un choix abstrait entre deux systèmes réglant les conséquences d’un changement de contrôle. La clause d’opting out ne doit en revanche pas servir d’instrument à un ou plusieurs actionnaires en vue d’une prise de contrôle d’une société (voir ISABELLE CHABLOZ, supra, p. 115 ss; HANS CASPAR VON DER CRONE/JACQUES IFFLAND/RENATE WEY, Aktuelle Fragen des Übernahmerechts, RSDA 2001, p. 112). Ainsi, une clause d’opting out n’est admissible que si sa portée est générale, en d’autres termes seulement si elle a été adoptée en faveur de tous les actionnaires. Selon la Commission fédérale des banques, une clause d’opting out est considérée comme illicite lorsqu’elle a été introduite formellement en faveur d’un actionnaire déterminé (c’est-à-dire avec indication explicite dans les statuts de l’actionnaire favorisé – clause formellement sélective ou partielle; voir décision de la CFB du 23 juin 2000 dans l’affaire Esec Holding AG/Unaxis Holding AG). Selon la pratique de la Commission des OPA, il en va de même pour les clauses d’opting out matériellement sélectives, c’est-a-dire introduites implicitement en faveur d’une personne déterminée ou en vue d’une transaction déterminée (voir recommandation du 7 juillet 2004 dans l’affaire Société des Gares Frigorifiques et Ports Francs de Genève SA, consid. 1.2.2.1; recommandation du 3 mars 2004 dans l’affaire Adval Tech Holding AG, consid. 3 ).

Selon la pratique de la Commission des OPA, il existe en principe une présomption de fait (« tatsächliche Vermutung ») selon laquelle une clause introduite il y a plus de 5 ans n’est plus matériellement sélective (recommandation du 3 mars 2004 dans l’affaire Adval Tech Holding AG, consid. 3.4 ; voir aussi recommandation du 20 juillet 2004 dans l’affaire HPI Holding S.A., consid. 3). Selon l’expérience générale, il est en effet peu fréquent qu’une transaction de ce type soit planifiée plus de 5 ans à l’avance. Ladite présomption n’est cependant pas irréfragable si bien que, en présence d’indices allant dans un sens contraire, la Commission conserve la faculté de procéder à un examen de la question. Ceci est en particulier vrai en présence de clauses d’opting out adoptées après l’introduction en bourse de la société; il convient en effet dans ce cas d’être vigilant compte tenu des effets de l’introduction d’une telle clause d’opting out. Il est d’ailleurs rare qu’une clause d’opting out soit introduite en absence de toute intention relativement concrète de transaction, même à terme (voir recommandation du 21 juin 2007 dans l’affaire Golay-Buchel S.A., consid. 1.3; ISABELLE CHABLOZ, supra, p. 124 et 126).

1.3 La lettre de l’article 38 des statuts contenant la clause d’opting out implique que la clause est valable pour « toute personne qui acquiert des titres de la banque », il ne s’agit donc pas d’une clause formellement sélective (voir supra let. B).

1.4 Dans le cas d’espèce, la clause d’opting out a été adoptée en août 1999 déjà, c’est-à-dire il y a maintenant plus de 5 ans. Selon les documents fournis par la requérante, rien n’indique que l’adoption de la clause d’opting out soit intervenue en vue d’une opération spécifique. Il apparaît au contraire bien plus que l’actionnariat de l’époque a fait usage de la possibilité prévue par le législateur d’introduire une clause d’opting out dans la période de deux ans suivant l’entrée en vigueur des dispositions de la LBVM. On peut ainsi exclure que l’introduction de la clause d’opting out dans les statuts soit corrélée à une intention de rachat par Banca Profilo. Il convient par ailleurs de rappeler que ce changement d’actionnariat est motivé par la décision de la CFB du 1er mars 2007 en sa qualité d’autorité de surveillance des instituts bancaires.

1.5 Vu ce qui précède, il apparaît comme peu vraisemblable que la transaction projetée ait déjà été envisagée lors de l’adoption de la clause en 1999. Dans ces conditions, la clause d’opting out doit être considérée comme licite et valable en cas de dépassement du seuil de 33 1/3% par Banca Profilo. Par conséquent, un dépassement du seuil en cas d’acquisition directe ou indirecte d’actions SBP par la requérante ou suite à la division envisagée de la valeur nominale des actions au porteur ne déclenchera pas d’obligation de présenter une offre publique d’acquisition.

2. Publication de la présente recommandation

En vertu de l’art. 23 al. 3 LBVM, la recommandation sera publiée sur le site Internet de la Commission des OPA après notification aux parties.

3. Emolument

En application des articles 23 al. 5 LBVM, 57 al. 2 et 62 al. 6 OOPA, l’émolument pour l’examen de la présente requête est fixé à CHF 20'000.

 

En se fondant sur ce qui précède, la Commission des OPA émet la recommandation suivante:

  1. Il est constaté que la clause d’opting out contenue à l’article 38 des statuts de Société Bancaire Privée S.A., Genève, est licite en cas de dépassement du seuil de 33 1/3% par le rachat direct ou indirect d’actions de la Société Bancaire Privée par Banca Profilo S.p.A., Milan, Italie.

  2. La présente recommandation sera publiée sur le site Internet de la Commission des OPA après sa notification aux parties.

  3. L’émolument à charge de Banca Profilo S.p.A., Milan, Italie , s’élève à CHF 20'000.

 

Le Président:

Hans Rudolf Widmer

 

Les parties peuvent rejeter la présente recommandation par un acte écrit qui doit parvenir à la Commission des OPA au plus tard cinq jours de bourse après réception de la recommandation. Ce délai peut être prolongé par la Commission des OPA. Il commence à courir en cas de notification par télécopie. Une recommandation non rejetée dans le délai de cinq jours de bourse est réputée acceptée par les parties. Lorsqu'une recommandation est rejetée, n'est pas exécutée dans le délai fixé ou lorsqu'une recommandation acceptée n'est pas respectée, la Commission des OPA transmet le dossier à la Commission des banques pour ouverture d'une procédure administrative .

 

Communication:

  • à Banca Profilo S.p.A. , par l’intermédiaire de leur mandataire ;
  • à Société Bancaire Privée S.A . , par l’intermédiaire de leur mandataire;
  • à la Commission fédérale des banques .